vendredi 10 février 2012

dépassements d'honoraires, double jeu, médecine à deux vitesses...bis

 
 
Au départ cet article avait été écrit en mai 2011  lors du démarrage des  négociations conventionnelles.

Si les dites négociations se sont terminées dans la joie (tout juste si nos syndicats n'ont pas sorti le champagne ! ) et la P4P, ma colère n'a fait qu'augmenter, face aux fausses vérités relayées par la presse, face aux nouvelles obligations administratives et brutales (menace de déconventionnement en cas de refus de la télétransmission) et face à la non revalorisation des honoraires des médecins.
Ce post est donc une défense de mes confrères qui ont eu la bonne idée de choisir le secteur à honoraires libres que les médias continuent d'appeler "dépassements d'honoraires". Je suis conscient que quelques uns de mes confrères à honoraires libres n'y vont pas avec le dos de la cuillère, mais chacun est libre de faire jouer la concurrence et  dans ma région  je suis entouré de confrères dans ma spécialité qui ne demandent pas des  honoraires exagérés. Toujours en ophtalmologie, les rétinologues sont très souvent installés en secteur 2 ;  si je devais décoller ma rétine je ne regarderais pas à la dépense, conscient du fait que si le seul chirurgien capable de me sortir de là est en S2 c'est  parce qu'il n'aurait pas survécu en S1.(et non pas qu'il finance sa Rol*ix avec mon chèque).
Après ce petit préambule voici ce que j'avais commis à ce sujet ( avec quelques modifications):

 
En résumé nous avons droit aux affirmations suivantes :
 
La plupart des jeunes s'installent en secteur à honoraires libres = secteur 2
 
Oh les vilains méchants qui font des dépassements d'honoraires étranglant le pauvre peuple !
 
Et en plus, ces riches médecins secteur 2 sans cœur sont très souvent des ophtalmologistes chirurgiens.
 
Ah ma bonne dame où va-t-on, je vous le demande ! (sanglots dans la voix du journaleux)
 
J'ai la chance que ce blog soit peu lu (je n'aurais pas le temps de répondre à des commentaires trop nombreux) et je vais pouvoir prendre la défense de mes confrères soit disant nantis et roulant presque tous en voiture de course allemande. 
 
Quelques rappels : dans ce pays on devient médecin généraliste à bac + 8 ; pendant ces 8 ans, on est une charge peu rentable pour sa famille. (Voir "gratuité des études médicales"), on devient chirurgien ou médecin spécialiste en rajoutant trois à cinq ans d'internat à ces études ce qui nous amène à Bac+13.
 
 Pourquoi les médecins spécialistes choisissent ils massivement le secteur 2 dit "à honoraires libres" et quelles sont les conséquences de ce choix ?
 
Il fut un temps (lointain) où la plupart des médecins exerçaient en secteur 1. A cette époque, les honoraires étaient régulièrement révisés avec une hausse moyenne d'un euro par an pour le prix de base de la consultation.







A cette époque, quand fut proposé le passage en secteur à honoraires libres certains (dont je suis) n'y ont vu aucun intérêt : le prix de la consultation était correct, régulièrement revalorisé et je ne souhaitais pas pénaliser mes patients modestes retraités par des honoraires trop lourds.
 A partir des années 95, les honoraires ont stagné (quand le coût de la vie augmentait et les charges itou) et le passage en secteur 2 a été bloqué livrant les médecins secteur 1 pieds et poings liés au bon vouloir de dame sécu quant aux honoraires.
 Dans ces conditions, quel jeune médecin serait aujourd'hui assez bête ou idéaliste pour refuser la possibilité d'une certaine liberté de ses honoraires ?
 
Les conséquences de ce choix sont visibles : secteur 2 pour la plupart des jeunes spécialistes et en particulier les chirurgiens.
Pour ces derniers, les protocoles de plus en plus contraignants, les précautions à prendre alourdissent le prix de l'acte chirurgical que la sécu refuse de revaloriser.
 
Les représentants des caisses d'assurance maladie, relayés par la presse crient haut et fort au scandale ... mais il faut savoir que les dépassements d'honoraires ne plombent en rien les comptes de la sécu puisque ce sont les mutuelles qui interviennent pour les rembourser. Au contraire les médecins secteur 2 paient en contre partie des cotisations sociales bien plus conséquentes que les médecins secteur 1.
 
Et, se demande le journaleux de base, pourquoi les ophtalmologistes secteur 2 sont-ils légion ? ("non seulement ils vous donnent des rendez-vous à six mois de délai, mais en plus, ils vous prennent plein de sous !")
 
Tout simplement parce que, outre les raisons citées plus haut, la spécialité a beaucoup évolué : le matériel nécessaire pour faire du bon travail coûte une fortune, se casse ou devient obsolète avant d'avoir été amorti.
 
Et puis il y a le problème de la démographie : pour tenter de répondre aux besoins croissants d'une population vieillissante, certains ophtalmologistes font appel à des orthoptistes pour la première partie de la consultation.(calcul et vérification des lunettes) 
 Ces orthoptistes permettent d'augmenter le nombre de consultations mais constituent une charge financière trop  importante si la consultation reste bloquée à 28€ (c'est le prix en secteur 1).
D'aucuns me rappelleront le train de vie de certains de mes confrères secteur 2 et ajouteront que les médecins ne sont pas à plaindre que tout ça c'est corporatisme et compagnie : avant de hurler regardez et comparez  l'évolution du prix du pain, du SMIG, et de la consultation.  
 
Début février la cour des comptes vient même de proposer de baisser les honoraires des médecins.La sécu menace des médecins qui auraient abusé et pratiqué des honoraires dix fois supérieurs au tarif de remboursement.Je ne nie pas que ce dépassement soit conséquent...mais "petit joueur" à côté de l'augmentation des émoluments du presque -peut -être -futur -ex- candidat à la Présidence de la République. En cette période électorale de propositions et promesses je suggère que les salaires des représentants de la CNAM directeurs de caisses et huiles diverses que nous nommons "tutelles " progressent simultanément à la valeur du C ou du CS. Et bien sûr on pourrait appliquer la même progression ou absence de progression au salaire des journalistes. 
Chers journaleux qui passeriez par ici, chers représentants des caisses d'assurance maladie, chers décideurs politiques de tout poil, qui avez organisé les déserts médicaux que vous dénoncez aujourd'hui, hors urgence urgentissime, vous aurez du mal à obtenir un rendez-vous avec moi, qui suis ligoté au secteur 1 probablement jusqu'à ma retraite sans successeur.
 Mes rendez-vous sont complets pour les douze mois à venir, pour vous, non seulement il n'y aura pas de passe-droit, mais en plus je m'offrirai un dépassement d'honoraires conséquent,(préparez les billets de 100€) seul moyen d'exprimer ma colère.


z

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